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irez, nous irons, et votre nouvelle patrie sera la nôtre ; et puis, que deviendrais-tu sans moi pendant ce long voyage ? Crois-tu que ton grand ami Sulpice serait une garde suffisante contre les dangers de la route ? il est plus enfant que toi, et vous aurez besoin tous deux de votre vieux Bénito. »

François sauta au cou de l’Indien, dont il connaissait le dévouement.

Le lendemain, à midi, les habitants de Florès étaient réunis sur la plage ; ils venaient faire leurs adieux aux voyageurs et leur souhaiter joie et santé pendant leur longue pérégrination ; plusieurs même s’embarquèrent avec eux pour les suivre jusqu’à San Andrès, tandis que d’autres voulaient pousser plus loin et les accompagner jusqu’au premier campement.

On mit une heure pour traverser la lagune ; à San Andrès, Panfilo, le chef muletier, attendait son maître ; il le conduisit dans un enclos où bêtes et gens étaient assemblés ; bagages et provisions avaient été répartis par charges, placées près de chaque mule, déjà couverte du bât qu’elle devait porter ; tout était en ordre, Frémont n’avait qu’à faire un signe, on était prêt. Content de son inspection, il rentrait à la maison, quand Pancho, tout éploré, courut à sa rencontre. « Père, s’écria-t-il, père, nous avons oublié d’Artagnan ! »

En effet, dans les préoccupations du départ, on avait oublié la pauvre bête ; c’était un fort, beau chien, de race mâtinée, mais gardant encore de ses ancêtres de remarquables qualités de chasseur, et c’était l’ami inséparable de François ; le chagrin de l’enfant était donc bien naturel.

« Mais, lui dit Frémont, il est inutile de te désoler ainsi : tu n’as qu’à envoyer une pirogue qui te ramènera ton favori. »

Frémont avait à peine achevé sa phrase, que des aboiements retentirent du côté de la lagune et que d’Artagnan, tout mouillé, se précipitait sur son jeune maître ; la vaillante bête avait traversé à la nage le bras du lac.

La nuit se passa tant bien que mal, chacun, suivant son âge, agité de pensées diverses.