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CHAPITRE II

Préparatifs de départ.

De longues années se sont écoulées : il y a dix-sept ans que Frémont vit à Florès ; que d’événements se sont passés depuis son installation dans le village ! Nous sommes en 1882 ; la fortune est venue rapide, brillante, mais au prix de quels sacrifices ! Il a perdu sa compagne chérie ! Carmen est morte depuis trois ans, laissant à son mari fou de douleur un fils et une fille. La vieille tante doña Oliva est allée rejoindre sa sœur dans l’île verdoyante où elle repose bercée par la douce musique des vagues. Éléonore a bientôt seize ans, François en a quatorze, et depuis longtemps déjà la jeune fille a dû prendre la direction de la maison. Mais Pétronille, sa nourrice, est là, vieille Indienne au dévouement de chien, qui lui prête l’appui de son expérience, l’aide, la supplée, la sert comme une idole. La demeure, triste et lugubre pendant ces dernières années, se reprend à sourire. Un autre personnage l’anime aussi de sa jeunesse et de ses excentricités : lorsque son fils et sa fille eurent atteint l’âge de six et huit ans, Frémont avait demandé qu’on lui envoyât de Guatemala un jeune homme instruit qui pût servir de précepteur à ses enfants, et on lui avait envoyé Sulpice Acaria. C’était un jeune naturaliste de vingt-deux ans, sec, maigre, aux traits anguleux, rappelant le chevalier de la Triste Figure. Sulpice était un garçon de cœur ; d’un carac-