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apprenait jamais la fatale nouvelle, se hâtèrent d’élever un temple au pauvre animal décédé, temple au milieu duquel ils sculptèrent son image grandeur nature, qui représentait Morcillo accroupi sur son train de derrière et dressé sur ses pattes de devant ; ils l’appelèrent Tzimin-Chac, animal du tonnerre et des éclairs. Ce fut une de leurs divinités principales ; et ils l’appelèrent ainsi parce qu’ils avaient vu quelques cavaliers de la troupe de Cortez tuer des chevreuils avec leurs arquebuses ; ils pensaient que c’étaient les chevaux qui causaient ce bruit ressemblant au bruit du tonnerre et cette lumière subite qui leur rappelait l’éclair.

Ces Itzaes du Péten conservèrent leur indépendance près de deux siècles après la conquête, et ce ne fut qu’en 1696 que le gouverneur du Yucatan, Martin Ursua, s’empara de la ville et détruisit cette petite nationalité. Mais il dut y employer une véritable armée : il fit ouvrir à cet effet une route qui de Campêche se dirigeait en ligne droite vers le Péten. Au milieu des bois, l’expédition rencontra, en un lieu appelé Nohbécan, une ville avec de grands édifices remplis d’idoles, et quand le gouverneur arriva sur les bords du lac de Chaltuna, il fut obligé, comme Cortez à Mexico, de construire des brigantins pour assiéger la ville. L’attaque eut lieu le 2 mars 1696, et Tayasal fut occupée le même jour.

Chose étrange, la ville fut désertée en un clin d’œil ; les habitants, hommes, femmes, enfants, soit en canot, soit à la nage, s’enfuirent à travers la lagune, et la plupart disparurent à jamais. Le capitaine espagnol avait conquis une solitude.

Les Espagnols rasèrent pyramides, temples et maisons ; ils reconstruisirent des demeures appropriées à leurs besoins et à leur goût, et, voulant effacer jusqu’au nom de l’ancienne capitale indienne, ils appelèrent la nouvelle ville Florès. Ce fut donc à Florès que Frémont établit sa demeure ; ses bureaux furent transportés à Sacluc, aujourd’hui Libertad, sur un embranchement du rio de la Passion ; quant à l’exploitation de l’acajou, elle embrassait toutes les forêts d’alentour dans un périmètre très