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aussi je demeure convaincu que le musicien saxon manquait de souffle. Et ce serait se tromper étrangement que de le prendre pour un homme de génie. C’était un talent, servi par une imagination distinguée sans doute, mais surtout rêveuse.

Si la langue de Schumann est ornée de douces sonorités, elle est pleine aussi de préciosités et d’obscurités. Il a écrit quelques rares beaux fragments, et un grand nombre de pièces pour la voix et pour le piano, dont les meilleures restent bien loin de celles de Schubert. Ces petites compositions de Schumann obtiennent le succès en empestant le goût. Que nos musiciens y prennent garde, en l’imitant ils pourraient bien ne rencontrer que des déboires. Ceux qui voudraient transporter au théâtre les fadeurs de Schumann doivent tenir pour certain qu’ils n’arriveront pas jusqu’à l’oreille du public. Ils tomberont dans le trou du souffleur pour ne plus se relever. D’ailleurs, on ne forme pas plus de bons cerveaux de musiciens avec toutes ces fadeurs qu’on ne fait de bons estomacs avec les friandises de Boissier.

1873.