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HISTOIRE

leur doit tenir lieu de tout. » Il parla sur le même ton à sa femme et à ses enfants, et mourut dans ces sentiments, après avoir reçu les sacrements de l’Église avec une dévotion et dans des transports de ferveur dignes d’un héros chrétien et d’un confesseur de Jésus-Christ. Sa mort, qui fut annoncée par le son des cloches de toute la ville, mit également en deuil les Japonnais et les Espagnols. Il fut exposé sur un lit de parade où tout le peuple vint lui baiser les pieds, et les honneurs funèbres lui furent rendus avec la plus grande magnificence.

L’éloignement de ces illustres bannis n’avait pas apaisé la fureur des ennemis du nom chrétien au Japon ; ce fut surtout le royaume d’Arima qui fut ravagé par le feu de la persécution. Des corps armés parcouraient ce pays en tous sens ; des tribunaux étaient dressés au milieu des places publiques dans un enclos palissade ; les chrétiens appelés dans cette enceinte étaient saisis par les oreilles avec des pinces de fer, traînés par les cheveux, foulés aux pieds ; on leur fracassait les jambes entre des pièces de bois ; mais toutes ces tortures étaient sans effet. On faisait enfin mourir les plus intrépides : leurs têtes exposées sur les palissades et leurs corps hachés en pièces étaient laissés sur place pour servir de pâture aux oi-