Page:Charlevoix - Histoire et description du Japon.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
211
DU JAPON.

leur distribuèrent le pain des forts. Enfin le moment du sacrifice était arrivé, et l’on vit commencer une espèce de triomphe qui n’avait point eu d’exemple peut-être depuis la naissance de l’Église. Les vingt mille chrétiens de la campagne entrèrent dans la ville en bel ordre, la tête couronnée de guirlandes et tenant leur chapelet à la main. Ceux de la ville, dont le nombre était aussi grand, couronnés aussi de guirlandes et ayant un cierge à la main, les attendaient, et au moment où les confesseurs parurent, tous se mirent en marche dans le rang qui avait été marqué à chacun. Les huit martyrs étaient au milieu ; ils n’étaient point liés, mais leurs bourreaux les suivaient avec une compagnie de soldats, faible défense contre quarante mille hommes, mais inutile précaution contre quarante mille chrétiens dont l’unique regret était de ne pouvoir mourir avec ceux qu’ils accompagnaient au lieu de leur supplice.

L’exécution eut lieu sur une grande esplanade, sous les fenêtres du palais ; chaque martyr fut attaché à une colonne placée au milieu d’un bûcher ; aucun d’eux ne marqua la moindre faiblesse. Les liens qui retenaient un de ces martyrs, encore enfant, ayant été brûlés, on le vit courir au milieu des flammes et des brasiers. On crut qu’il