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DU JAPON.

riche et puissant, qui, n’ayant pas d’enfants, avait adopté le fils d’un des conseillers du Dairy. Ce jeune homme, nommé Cicatora, remarquable par les plus heureuses qualités, ne tarda pas à s’attacher aux chrétiens, et fut baptisé à l’insu de son père adoptif et de la reine. Quand ils connurent sa conversion, ils usèrent de tous les moyens pour lui faire abjurer sa religion ; mais les caresses, les séductions, les menaces et les rigueurs ayant été inutiles, Cicatondono et la reine ordonnèrent que l’on tuât le P. Cabral, que l’on fît main-basse sur les chrétiens, et qu’on réduisît leur église en cendres. Les deux rois étaient absents, et Civan, instruit de ce qui se passait, n’avait pu obtenir de son fils qu’une lettre qui engageait sa mère à la modération, mais à laquelle on ne fit aucune attention. Les chrétiens se réunirent alors pour recevoir la mort ensemble, et il en venait, de la campagne, des troupes considérables, qui s’empressaient de chercher le martyre. Le P. Cabral ayant voulu envoyer les vases sacrés au P. de Manti, aucun chrétien ne voulut se charger de les porter, dans la crainte d’être absent au moment où il faudrait souffrir pour la foi. Le prince Sébastien parla aussi à son oncle de manière à lui faire sentir qu’il n’aurait pas aussi bon marché des chrétiens qu’il l’avait espéré.