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j'écris ; savoir, que je n'abrège jamais davantage que dans les endroits où je suis le plus long. En effet, la plupart du temps . vous pouvez remarquer que je passe rapide- ment comme sur la braise ; et, dans le vrai, je supprime toujours beaucoup.


Il n'y a presque point de carrefour ou de place vide un peu large à Milan, où il n'y ait un obélisque ou colonne, ou une statue, ce qui fait à la vue un embellissement agréable. La colonne que l'on appelle Infâme est élevée, à ce que l'on raconte, sur la place où étoit la maison d'un malheureux que l'on surprit s'efforçant, par le moyen de certaines drogues, de mettre la peste dans la ville. Le plus beau des bâtiments publics, à mon gré, est le Campo- Santo, ou cimetière de l'hôpital. C'est une espèce de cercle coupé en octogone par quatre portiques ouverts des deux côtés, de l'un par des fenêtres entre des piliers, et de l'autre par une colonnade continue. On a défiguré ce bel enclos par un méchant bâtiment construit au milieu, lequel en coupe tout-à-fait l'aspect.


Il y a aussi à Milan d'assez beaux collèges et écoles publiques, surtout celles de droit et de médecine ; sur le porte de cette dernière, on voit une statue antique, d'Ausone, avec force inscriptions.


La bibliothèque Ambroisienne est si célèbre dans l'Eu- rope, que vous ne me pardonneriez pas de n'en point parler. Le vaisseau n'en est ni beau ni orné, et tous les livres quelconques sont reliés en parchemin. Il y a, dit-on, trente-cinq mille volumes ; c'est beaucoup pour un si petit espace. On l'ouvre tous les jours, soir et matin, et je l'ai toujours trouvée remplie de gens qui étudioient, à la différence des nôtres ; mais je trouvai singulier d'y voir une femme travailler au milieu d'un tas de livres latins ; c'est la signera Manzoni qui a le titre de poétesse de rimpératrice. Vous verrez bientôt qu'il y a ici des femmes plus érudites encore. L'article le plus considé- rable de cette bibliothèque est celui des manuscrits : on en compte quinze mille. On nous fit voiries plus curieux, parmi lesquels il y en a de beaux et de bonne antiquité. Le plus ancien est la version latine de Josèphe, par Ruffm, écrite sur une espèce d'écorce d'arbre, dont chaque feuille est composée de deux, collées l'une contre l'autre, pour avoir plus de durée. Les docteurs gagés