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une petite armée ; que sera-ce quand elles seront six fois plus nombreuses ? Elles sont presque toutes fort bonnes, et c’est ce qu’il y a de mieux dans l’ouvrage : on en a descendu une trop belle aussi pour demeurer là : c’est un Saint Barthélemi qui peut passer pour un cours d’anatomie complet. On a écrit au bas que ce n’étoit pas Praxitèle qui l’avoit faite. Quoique la pièce soit fort bonne, cette attention étoit de trop ; tous les auteurs que j’ai vus la donnent à Cristoforo Cibo. Il faut qu’ils n’aient pas vu l’inscription qui est au bas et qui porte qu’elle est de la main de Marco Agrato.

Le chœur est orné de sculptures en bois en dedans et en marbre en dehors. Les sculptures du dedans surtout sont d’une beauté et d’un travail très-remarquables.

Sous le chœur est une chapelle souterraine assez bien entendue contenant un si grand nombre de corps saints que le paradis n’en est guère plus fourni. Près de là sont la chapelle et le corps de saint Charles ; la frise de la chapelle est toute d’argent. J’eus le bonheur de voir de près et de m’agenouiller devant la face de mon benoît patron, et ce ne fut pas sans indignation contre un coquin de rat qui, sans respect pour sa béatitude, a eu l’audace de lui ronger le bout du nez ; heureusement que le saint homme en étoit assez bien pourvu pour n’être pas sensible à une pareille perte.

Dans le baptistère de l’église, il y a une cuve de porphyre aussi belle que celle de Saint-Denis. Les quatre docteurs, cariatides de bronze, qui soutiennent la chaire et l’intérieur de la grande porte, valent aussi la peine d’être vus.

Les prêtres nous montrèrent, en payant, le trésor qui est très-riche, surtout en ornements et en argenterie. J’y distinguai quelques pièces curieuses, comme un étui de cuivre, ouvrage en mosaïque d’une grande antiquité ; un coffret d’or sculpté en perfection. Les figures sont vêtues en émail comme on n’en fait plus ; un grand ciboire de cristal de roche, et, si l’on veut, une mitre de plumes à l’usage de saint Charles. Ce saint avoit au dernier point le goût des bâtiments, il en a fait ou réparé ici une grande quantité. Le séminaire, de l’architecture de Joseph Mêla, est, à mon gré, le plus beau et le plus noble de ces bâtiments. C’est une grande cour carrée, garnie de deux