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ment en parallèle, ce qui me donnoit quelque curiosité de les comparer. Aix, petite au moins d’un tiers plus que Dijon, est située dans le fond d’un vallon entouré de montagnes de tous côtés. La ville, sans en excepter aucune maison, est bâtie de pierres de taille ; le quartier des marchands est bien peuplé et me parut assez commerçant ; celui des gens de condition, qui tient une grande partie de la ville, est tout magnifiquement bâti ; la plupart des maisons élevées, ornées d’architecture et construites à l’italienne, avec des façades sur la rue ; presque toutes les rues sont larges, tirées au cordeau, remplies de belles fontaines ; on trouve à tout moment de petites places où l’on a planté des arbres pour donner de l’ombre ; enfin cette ville est tout à fait jolie, et la plus jolie de France après Paris. Je n’hésiterai pas de la préférer à Dijon pour l’extérieur, quoiqu’elle n’ait ni nos maisons en façon d’hôtels, bâties entre cour et jardin (car à Aix je n’ai point aperçu de cour aux maisons et peu de jardins), ni nos beaux équipages courant tout le jour dans la ville ; je n’en rencontrai que deux ou trois ; mais bien quantité de belles chaises-à-porteurs toutes dorées, armoriées et doublées de velours. (Cependant les gens même du pays qui connaissent les deux villes donnent la préférence à Dijon.) On m’assura que toutes les maisons étoient meublées à merveille. Je ne crois pas que l’on y vive avec le bon air, la même aisance et le même luxe qu’à Dijon. Les lieux communs sont ici plus communs que partout ailleurs ; car ils sont au milieu des rues, ou l’on décharge aussi toutes les autres immondices : quoique les paysans aient grand soin de s’en emparer tous les matins, il en reste toujours dans l’air une fâcheuse teinture.

Le plus bel endroit de la ville, et l’un des plus agréables peut-être qui soit en France, est la rue du Cours ; elle est d’une fort grande largeur et assez longue ; les maisons en sont hautes, belles et à l’italienne ; quatre rangs d’arbres y forment deux contre-allées où l’on se promène, et une large allée au milieu, ornée de quatre grandes fontaines, dont la dernière a un jet d’eau, un large bassin et deux chevaux, dont l’un jette de l’eau froide et l’autre de l’eau tiède. Cette rue est terminée d’un bout par une balustrade qui donne sur la campagne,