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ne seront exposés qu’à l’immense pluie de terres, sables, cendres, mines ou fragments que l’éruption fait retomber sur le rivage après les avoir élevés en l’air, seront seulement en danger d’être couverts sans être renversés. On en peut dire autant de l’éboulement des terres du talus, auquel les murailles sont capables de résister. Par-là on doit cesser de s’étonner de trouver debout une partie des murs et des édifices de la ville souterraine, et expliquer comment elle se trouve enterrée sans avoir été abîmée, et sans qu’il y ait péri qu’une seule personne, tous les habitants ayant eu le temps de s’enfuir ; car on n’y a trouvé qu’un seul cadavre. Mais par-là aussi on peut conjecturer quel sera le sort des villes actuelles et de cette contrée florissante, qui continueront toujours à disparaître, jusqu’à ce que les matières inflammables que le Vésuve contient dans son sein soient entièrement épuisées.

Ces nouvelles couches du rivage étoient, il y a cinquante ans, au moins au nombre de onze. En 1689, un architecte de Naples, nommé François Pichetti, faisant creuser un terrain entre le Vésuve et la mer, près de l’endroit où avoit été ensevelie la ville de Pompéi, trouva, dans l’espace d’environ soixante-huit pieds de profondeur, au bout desquels l’eau ne permit pas d’aller plus loin, onze lits ou couches disposés alternativement ; savoir : six de terres naturelles et cinq de laves ou matières vitrifiées des torrents du Vésuve ; la onzième couche étoit de tuf, la dixième de lave, la neuvième de terre presque aussi dure que le tuf ; entre la quatrième et la cinquième couche, à seize pieds de profondeur, on trouva du charbon, des ferrures de porte et deux inscriptions latines, d’où l’on conjectura que c’étoit là l’ancien sol de la ville de Pompéi, qui se trouveroit, si cela est, beaucoup moins enterrée que celle d’Ercolano. On a plus d’une fois eu lieu d’observer cette alternative de lits de terre, dans des endroits où le terrain végétable a été recouvert par accident et est redevenu végétable à la longue. Richard Pococke, célèbre voyageur anglais, parcourant la province de……… en Égypte, vit au village de……… près des ruines d’Arsinoé, dans un sol de terre noire et fertile, de trois pieds d’épaisseur, un puits où l’on remarquoit des couches alternatives de sable jaune, qui recouvroient d’autres couches semblables à celle de la surface.