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très-fréquentes ; que les matières lancées du fond du gouffre, où le feu a percé au milieu du cône, retombant sans cesse sur les côtés, ne peuvent manquer à la suite des siècles d’augmenter considérablement le diamètre horizontal du pic ; de même que la pyramide de sable qui se forme au fond d’un clepsydre grossit toujours à mesure que le sable tombe dessus : c’est la comparaison judicieuse que donne Addison. Misson et Addison, surtout ce dernier, ont parfaitement bien vu le Vésuve. On ne peut en douter en le voyant soi-même, après avoir lu leurs descriptions. Il n’est pas moins vrai, cependant, qu’il n’y a presque plus rien de pareil aujourd’hui à ce qu’ils en rapportent. Un gentilhomme napolitain dit à Addison, qu’il avoit vu, de son temps, le pic grossir de vingt-quatre pieds en diamètre. Du temps de Misson, en 1688, il y avoit près du sommet, à l’endroit où le pic commence, une espèce de petit amphithéâtre ; de telle sorte qu’une vallée peu profonde, enveloppée d’une enceinte peu élevée, entouroit les racines du pic. Le fond de cette vallée paraissoit formé par des laves refroidies : elle étoit comblée en 1720, au temps d’Addison ; l’enceinte de l’amphithéâtre avoit disparu ; les racines du pic n’étoient plus entourées que d’une plaine circulaire. Aujourd’hui, de nouveaux matériaux tombés d’en haut ont presque fait de cette plaine un talus ; le pic est devenu d’un plus grand diamètre ; les éruptions de 1730 et 1737 ont dégagé les parois intérieures du gouffre de plusieurs roches saillantes, que ces deux voyageurs y avoient vues. L’orifice du gouffre, que Misson n’avoit trouvé large que de cent pas, et Addison que de quatre cents pieds, est de trois cent cinquante toises.

Il arrivera de là que le feu, à force de vider l’intérieur et de miner l’épaisseur des bords du cratère, les rendra trop faibles pour résister à l’action du feu, qui les ébréchera d’un côté, comme il a fait au Monte Somma, ou les rainera tout autour dans toute la partie supérieure, qui est toujours la plus mince ; c’est ce qui est arrivé à la Solfatara, autrefois olla Vulcani, montagne voisine du Vésuve, et située de l’autre côté de Naples. On voit clairement que celle-ci n’est qu’un volcan usé, qui avoit autrefois le double au moins de hauteur. Cette montagne est peu élevée, son sommet est d’un large diamètre,