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gens de sa suite, dans une maison près du rivage, où il s’endormit accablé de lassitude, il fut, au bout de peu de temps, contraint d’en sortir, sur l’avis qu’on vint lui donner, qu’il alloit être bloqué dans la maison, dont la porte étoit presque à demi bouchée par les terres et les minerais que faisoit pleuvoir le Vésuve ; de sorte qu’avant que la sortie leur fût tout-à fait interdite ils se hâtèrent de s’échapper, portant des coussins sur leur tête, pour parer, le mieux qu’il seroit possible, le coup de la chute des pierres. »

Le gouffre, après avoir jeté au-dehors toutes ces matières, commence à bouillir par le fond, et s’élève comme du lait sur le feu, jusqu’à ce que la force du feu, cassant la chaudière en quelque endroit, laisse écouler la matière fondue, ou torrent d’un fer rouge, qu’on appelle lave. Elle descend lentement le long du talus, enflamme la campagne sur son passage, creuse et fait écrouler les terres qui lui font obstacle. On sent quel doit être le poids énorme de ces torrents enflammés, puisque lors de l’éruption de 1737, qui n’a pas été une des plus vives, l’un de ces torrents occupoit un espace de trois cents pas en largeur. On prétend avoir vérifié que, pendant l’éruption de 1694, la lave s’étoit amoncelée dans un fond jusqu’à la hauteur de soixante toises.

Le gouffre que la première éruption creusa dans l’ancien Vésuve, n’a pu manquer d’être d’une énorme étendue. L’abréviateur de Dion, dans la vie de Titus, le compare, pour la forme, à un amphithéâtre. « Le sommet du Vésuve, dit-il, aujourd’hui fort creux, étoit autrefois tout uni. Toute la surface extérieure, à l’exception de ce qui fut ravagé sous le règne de Titus, est aussi haute et aussi bien cultivée que jamais jusqu’à la cime, qui est encore couverte d’arbres et de vignes ; car le feu qui consume l’intérieur ne mine que le dedans, et donne au sommet la forme d’un amphithéâtre, s’il est permis de comparer les petites choses aux grandes. Nous le voyons souvent jeter de la flamme, de la fumée, des cendres et des pierres ; mais ces accidents ne sont rien en comparaison de ce qui se passa du temps de l’empereur Titus ; on crut alors que le monde alloit rentrer dans le chaos. Le Vésuve jeta tant de matériaux, que non seulement les bestiaux, les oiseaux