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cesse, et dont la raideur se fait un peu sentir dans ses ouvrages, n’avoit pas l’esprit tout-à-fait propre à goûter les grâces divines de Raphaël. Il est vrai néanmoins qu’il n’y a peut-être, dans aucun tableau de ce maître des maîtres, aucune figure qui égale, pour la beauté du dessin, celle de la mariée dans le tableau de la Noce. Si on la considère seule et isolée, c’est la plus belle qui existe au monde ; mais, si l’on considère le tableau en entier, il est assurément inférieur à tous ceux de la bonne manière de Raphaël ; le morceau de maçonnerie sur lequel cette fresque est peinte est fendu par le milieu. On connaît assez la forme de ce tableau qui est longue et de peu de hauteur ; il fait à présent un dessus de porte, dans une maison appartenant aux Pamfili. Sa manière participe de celle du Poussin et de celle du Dominiquin, surtout de celle de ce dernier. Le Thésée paraît tenir de Louis Carrache et de Raphaël. N’êtes-vous pas étonné de voir qu’on tire un pan de muraille comme cela tout entier du fond d’une ville souterraine, sans blesser la peinture ? vous en entendrez bien d’autres quand il sera question des mosaïques de Saint-Pierre de Rome. Remarquez néanmoins que, lorsque je compare ici la manière d’un tableau antique avec celle d’un peintre moderne, c’est pour en donner une idée à ceux qui n’ont pas vu le tableau antique ; non que je veuille dire que ces manières soient fort semblables, mais seulement que le tableau m’a paru plus approcher de la manière d’un tel peintre que de celle d’aucun autre.

Je me suis étendu sur la description et la comparaison de ces deux peintures anciennes, parce que ce sont les deux principaux morceaux qui nous restent dans ce genre. Au reste, nous ignorons si le hasard qui a bien voulu nous les conserver les a choisis parmi les bons ouvrages du temps, ou parmi ceux du second rang.

Avant même que de les quitter, je reviens encore à la connaissance de la perspective que pouvoient avoir les anciens ; et je veux vous citer un exemple récent, qui prouve qu’ils ne l’ignoroient pas. Il y a dix ou douze ans que M. Furietti, faisant fouiller près de Tivoli, dans les ruines de la maison de campagne d’Adrien, trouva un parquet de marbre de neuf feuilles, dont huit sont en mosaïques à compartiments ; la neuvième, aussi en mosaïques de pierres naturelles, faisoit le centre. On y a