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elles sont d’autant plus précieuses qu’il ne nous restoit presque rien d’antique en ce genre. Tout ce que nous avions consistoit en un dessus de porte carré long dans une maison des Pamfili, connu sous le nom de la Noce Aldobrandine ; en deux morceaux tirés du jardin de Salluste, qu’on montre au palais Barberini, et dans les petits ornements de la pyramide, qu’on appelle communément les figurines dé Cestius : encore ne faut-il plus compter ce dernier morceau, qui est si effacé aujourd’hui que je n’y ai presque rien pu voir. Ceux d’Ercolano sont en grand nombre ; mais la plupart en pièces, ou du moins fort gâtés. J’ai déjà parlé de ces espèces d’arabesques qui décoroient, selon l’apparence, l’intérieur des maisons. Les tableaux de figures que je me rappelle sont un Satyre qui embrasse une Nymphe, et l’Éducation d’Achille par le centaure Chiron, petit tableau en hauteur, fort précieux. J’ai ouï parler de plusieurs autres, tels qu’un Hercule, un tableau de l’histoire de Virginie, un autre d’un orateur qui harangue le peuple, une Pomone, des bâtiments, des paysages, des tritons, des jeux d’enfants travaillés dans le même goût de badinage que certains tableaux de jeux d’enfants de nos peintres modernes ; d’autres enfin où l’on remarque des choses si semblables à nos modes actuelles les plus bizarres, qu’on est prêt à les soupçonner d’y avoir été ajoutées après coup. Peut-être ne les ai-je pas vus ; car on ne m’a pas tout fait voir : en tout cas, je n’en ai pas conservé d’idée ; on nous montroit ces pièces avec tant de rapidité, que quelquefois à peine avois-je le loisir d’entrevoir. Le tableau dont j’ai la mémoire la plus présente, mérite d’être mis au premier rang des choses curieuses trouvées dans ce lieu ; c’est une fresque peinte en hauteur, de la grandeur à peu près d’une glace de cheminée : ainsi c’est sans contredit le plus grand tableau antique qui existe. On a séparé et tiré en entier le pan de muraille sans l’offenser : on a encadré la muraille avec des poutres contenues par de longues clefs de fer ; c’est ce que les ouvriers italiens savent faire avec une adresse infinie, c’est aussi de cette manière que, pour prévenir la ruine totale des fresques de Saint-Pierre de Rome, causée par l’humidité de cette église, on a enlevé des masses énormes de maçonnerie, et remplacé le vide par des copies de ces mêmes tableaux, en mosaïque de verre coloré, dont la durée sera éternelle.