Page:Charles de Brosses - Lettres familières écrites d’Italie - ed Poulet-Malassis 1858.djvu/305

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reticulatum, les autres ornés d’architecture mosaïque, carreaux de marbre ou peintures à fresque en fleurs, ornements légers, oiseaux ou animaux, d’une manière qui tient beaucoup de l’arabesque, mais plus légère. On y aperçoit des colonnes, bases et chapiteaux ; des pièces de bois quelquefois brûlées ; des fragments de meubles ou de statues en partie engagés dans la terre ; des restes de bronze à demi fondus ; des inscriptions sur quelques-unes desquelles on lit le nom d’Herculée ; j’en vis tirer une en ma présence, qui me parut contenir un catalogue de magistrats municipaux. L’objet principal étoit un amphithéâtre dont on a commencé à découvrir les degrés, ou plutôt un théâtre, car on n’est pas encore en état de décider lequel des deux. Près de là, dans un endroit qui paraît y appartenir, on trouve quantité de débris d’architecture en marbre ou stuc, et des pièces de bois réduites en charbon.

Un des principaux endroits excavés paraît faire partie d’une rue assez large, bordée de côté et d’autre de banquettes sous des porches. On me dit que ce lieu conduisoit ci-devant à un bâtiment public en portiques, dont on avoit tiré beaucoup de fresques, de colonnes et quelques statues assises dans des chaises curules. Je n’y ai vu aucune maison vide dont on pût examiner l’intérieur ; tout paraît affaissé ou rempli, la fonte ou le mortier ayant pénétré au-dedans des bâtiments, par les ouvertures, au moyen des pluies abondantes dont les éruptions sont presque toujours suivies. Celles qui accompagnèrent l’éruption de 1631 furent si épouvantables, et les torrents qui descendirent de la montagne si violents, que quelques historiens crédules ont débité que le Vésuve avoit aspiré et vomi par son gouffre les vagues de la mer. Ces eaux, mêlées aux cendres, faisoient un mortier qui couloit par flots jusque dans la ville de Naples. On ne peut douter que cet espèce d’enduit n’ait fort bien servi à maçonner la voûte qui couvre Ercolano, et qu’un pareil événement n’ait autrefois cimenté le massif qui en remplit l’intérieur.

Il est aisé de juger qu’on ne peut voir que d’une manière très-imparfaite les restes d’une ville enterrée, quand on n’a fait qu’y pousser au hasard quelques conduits bas et étroits. Il n’y a point de place un peu spacieuse ou l’on