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pied ou un pied et demi de la terre ; mais là, elle suffoque en peu de moments. Je crois avoir ouï dire que de tous les animaux, la vipère étoit celui qui y résistoit le plus longtemps. Nous y éteignîmes des flambeaux et des mèches soufrées, et fîmes rater nos pistolets. Le chien y joua son rôle, tomba en convulsion, et se vit prêt à mourir, si son maître ne l’eût tiré de là, et jeté sur l’herbe comme un cadavre, où il reprit bientôt ses esprits. Il ne fut pas besoin de le plonger dans le lac, ce qui apporte un soulagement plus prompt. M. le barbet qu’on a coutume de mettre en expérience, est fait à cela, comme un valet de charlatan à boire du jus de crapaud ; dès qu’il voit arriver des étrangers, il sait que cela veut dire couchez-vous, et faites le mort. Près de la grotte, sont des étuves naturelles, appelées II Sudario di San Germano. Quand on veut suer à grosses gouttes en deux minutes et être empesté d’odeur de soufre, il n’y a d’autre préparation que d’entrer un moment dans cette maison.


De là je viens à la Solfatara, autrefois la marmite de Vulcain, olla Vulcani ; elle n’est guère moins curieuse que le Vésuve, ou plutôt c’est un Vésuve sur le retour, qui a bien dû faire des siennes en son jeune âge, il y a dix mille ans. La montagne est d’un large diamètre et de peu de hauteur, comme si on en eût tranché net horizontalement les deux tiers ; si bien qn’on ne peut s’empêcher de dire en la voyant qu’elle avoit apparemment trois fois plus de hauteur, et que le volcan, à force d’agir, a consumé et dissipé ce qui en manque. Le dessus fait voir encore plus clairement qu’il est le fond de la chaudière, d’un volcan tout usé. Il a parfaitement la forme d’un amphithéâtre un peu ovale. L’arône est une plaine vaste, unie, de couleur sulfureuse et alumineuse ; quand on frappp- du pied contre terre, on entend tout alentour de soi un bruit sourd ; ce qui peut faire conjecturer que ce n’est qu’une voûte ou faux-fond. La fumée s’élève de toutes parts, tant de la plaine que des éminences qui en font l’enceinte. Elle est de mauvaise odeur, et, quand nous sortîmes de là, nous nous aperçûmes que nos cannes, nos montres, nos épées, les galons de nos habifs, et tout ce que nous avions en or ou doré, étoit noir et terni : les galons n’ont pu se nettoyer assez bien pour reprendre leur lustre. Il y a dans la plaine quelques