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dans son tablier, el qui paraissoit avoir près de quatrevingts siècles ; il n’j’ a pas de doute que ce ne soit l’ombre de la Sibylle de Cumos, qui revient autour de ce tombeau. Cependant je ne jugeai pas à propos de lui montrer ramum qui veste latebat. Avant que de descendre le Pausilippe, je ne manquai pas de courir chez le peintre Oratio qui a fait ces charmants tableaux de l’incendie du Vésuve, de la Solfatara, et autres que vous avez vus chez Monligny, pour en acheter de pareils. Le fat s’est laissé mourir depuis le mois de mai dernier. Tous ses ouvrages sont vendus, et il ne reste là qu’un mince écolier, son faible imitateur.


Remontés dans nos chaises, nous nous enfournâmes dans la grotte, ou chemin percé en voûte à travers le Pausilippe, par où l’on gagne l’autre côté de la colline ; c’est une fort singulière invention, pour s’épargner la peine de la monter. L’ouvrage est si ancien que quelquesuns l’attribuent aux premiers habitants du pays. Quoique le travail soit immense, il étonnera un peu moins, si l’on fait attention que le sol de cet,te caverne est plus souvent sablonneux que pierreux.


Sénèque en pense fort mal, épître 57, et il raconte de fort bonne foi la frayeur que lui causoit ce long passage obscur. Pour moi, j’en parlerai mieux ; je ne l’ai pas trouvé fort incommode, etil faut qu’on y ait fait quelques réparations depuis son temps.

Au milieu du chemin qui me parut avoir environ mille pas de long, on a fait à la voûte une ou deux grandes lucarnes qui percent jusqu’en haut pour donner un peu de jour. D’ailleurs, pour mieux éclairer la traversée de la caverne, on a tenu le chemin allant en s’élargissant depuis les deux entrées jusqu’au milieu. Enfin, quoique fort obscur, il ne l’est pas au point de se heurter, et deux voitures de front y passent assez commodément.


L’issue de la caverne vous mène droit au lac Agnano, ou l’eau bout naturellement sur le rivage sans être chaude. Il est assez spacieux, et le poisson ne peut pas se plaindre d’y être au court bouillon. Sur son bord, on trouve d’abord la Grotte du Chien, qui n’est qu’un mauvais trou carré, grand comme une cheminé, et quinze ou seize fois plus profond. Je ne vous en fais pas l’histoire, que vous savez du reste. La vapeur mortelle n’a pas d’activité à plus d’un