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saisir une occasion favorable de faire du tumulte. C’est la plus abominable canaille, la plus dégoûtante vermine qui ait jamais rampé sur la surface de la terre. Et, par malheur, ce qui vicie abonde ; la ville est peuplée à regorger. Tous les bandits et les fainéants des provinces se sont écoulés dans la capitale. On les appelle lazarielli ; ces gens-là n’ont point d’habitations ; ils passent leur vie au milieu des rues à ne rien faire, et vivent des distributions que font les couvents. Tous les matins ils couvrent les escaliers et la place entière de Monte Oliveto, à n’y pouvoir passer : c’est un spectacle hideux à faire vomir.


À mon sens, Naples est la seule ville d’Italie qui sente véritablement sa capitale ; le mouvement, l’affluence du peuple, l’abondance et le fracas perpétuel des équipages ; une Cour dans les formes, et assez brillante ; le train et l’air magnifique qu’ont les grands seigneurs, tout contribue à lui donner cet extérieur vivant et animé qu’ont Paris et Londres, et qu’on ne trouve point du tout à Rome. La populace y est tumultueuse, la bourgeoisie vaine ; la haute noblesse fastueuse, et la petite avide des grands titres : elle a eu de quoi se satisfaire sous la domination de la maison d’Autriche. L’empereur à donné des titres pour de l’argent à qui en a voulu, d’oîi est venu le proverbe : E veramente duca, ma non cavalière. Le boucher dont nous nous servions n’exerce plus que par ses commis, depuis qu’il est duc. La femme d’un commerçant ne sort jamais de chez elle, dans son équipage, sans un autre carrosse de suite, dans lequel vous vous doutez bien qu’il n’y a personne ; mais cela fait toujours du bruit et va comme la tempête. Vous savez que c’est ici le pays des chevaux. Sur leur réputation, je m’étois fait d’eux une toute autre idée ; ils ne sont point beaux, au contraire ils sont petits et effilés, mais fins, diligents, malins et pleins de feu. On fait grand usage ici de petites voitures en coquilles, à roues fort basses et attelées d’un seul cheval qui les emporte à toutes jambes.


Le discours commun est que les habitants de Naples montent à cinq cent mille : c’est une hyperbole excessive. Je m’en suis informé au cardinal Spinelli, qui est plus que personne à portée de le savoir, en sa qualité d’archevêque, et il ne pense pas qu’il y en ait au-delà de deux cent quatre-vingt njille ; mais leur habitude de se