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faction du sang de saint Janvier est née et native de Gnatia. Cependant, l’opération ne réussit pas toujours aussi bien que l’on voudroit ; un saint a quelquefois des fantaisies, et alors grande désolation parmi le peuple, qui comprend bien par là que les tremblements de terre ne sont pas loin. Franchini de Florence, frère de l’abbé qui est envoyé à la cour de Paris, m’a conté que, porteur comme il est d’une physionomie un peu anglaise, s’étant trouvé pour son malheur dans l’église un jour que le miracle n’alloit pas bien, il auroit été mis en pièces, s’il ne se fût enfui, par la canaille dei lazarielli, qui alla se figurer que c’étoitla présence de ce chien d’hérétique qui mettoit le saint de mauvaise humeur. À bon compte, c’est le seigneur suzerain du pays, et le roi vient d’instituer en son honneur un ordre de chevalerie dont le cordon est cramoisi. Cette institution a plu au peuple, et attache la noblesse à don Carlos, chose dont a besoin tout nouveau conquérant.


À vrai dire, la conquête de ce royaume n’a pas coûté beaucoup de peine aux Espagnols. Le Montemar a acquis à bon marché sa réputation et son titre, puisque sa victoire de Bitonto ne fut autre chose que la rencontre de quelques troupes allemandes qui abandonnoient le royaume de Naples, selon l’ordre qu’elles en avoient reçu de l’Empereur ; cependant, cette victoire l’a fait regarder en France et en Espagne comme un grand homme de guerre, tandis que je ne vois pas que ceux qui l’ont connu en Italie, soient fort prévenus de son mérite. Entre nous, il passe ici pour un homme qui n’a pas grand’tête. Ce royaume-ci sera toujours la proie du premier occupant, pour peu que l’attaquant ait l’avantage sur son adversaire. Il n’a point de place de défense, et Naples même, autant que je m’y puis connaître, n’est pas capable d’une grande résistance du côté de la mer, étant fort exposée et trop ouverte de ce côté-là. J’ai peine à croire qu’en l’état où sont les choses, son château de l’Œuf, son château Neuf, son môle et le fortin qui est au bout, l’empêchassent d’essuyer quelque fâcheuse insulte. Joignez à cela un m,al intérieur plus grand et tout-à-fait incurable : c’est l’esprit du bas peuple, pervers à l’excès, méchant, superstitieux, traître, enclin à la sédition, et toujours prêt à piller à la suite du prenjier Mazaniello qui voudra