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dire, entièrement défiguré ; mais remarquez deux morceaux de Schedone. Je n’ai jamais vu de ce maître que ces deux tableaux-ci (i) et un troisième à Rome, tous trois d’une beauté singulière, et, qui plus est, je n’avois jamais ouï parler de lui. J’en suis tout surpris ; car ils m’ont paru au niveau des meilleurs maîtres. Sa manière participe de celle d’Annibal et de celle de Guido Cagnacci ; son coloris est un peu sec, quoique assez agréable, le dessin d’une correction parfaite et les attitudes tout-à-fait savantes. Remarquez aussi les miniatures de Clovio. Parmi les peintures de ce genre, il n’y en a point qui aient plus de réputation que celles-ci, celles de la bibliothèque du Vatican, et celles de la sacristie de Sienne. Je demande à mondit seigneur Quintin la même indulgence que cidessus, au sujet des tableaux de la Chartreuse dont j’ai oublié de dresser un mémoire. Il y a cependant des pièces d’une grande distinction ; qu’il écrive à tout hasard sur son agenda que le plus beau de tous est celui de l’Espagnolet au fond d’une sacristie : c’est le meilleur ouvrage de cet auteur. C’est aussi là qu’on voit le prétendu Crucifix de Michel-Ange, peint d’après nature. Vous connaissez ce vieux conte. Il y a une Nativité du Guide dont on fait grand cas et que je n’aimai pas beaucoup, malgré ma prédilection pour le Guide. Plus deux autres tableaux de la Passion de Jésus-Christ, l’un par Josepin, l’autre par le Pontormo ; plus des Festins d’Annibal Carrache, du Veronese et du Massimo.


Mais, pour voir un tableau bien plus merveilleux que tous ceux-là, mettez la tête à la fenêtre, mon doux objet, et me dites ce que vous pensez de ce coup d’œil-là. Eh bien ! avez-vous regret maintenant à la peine que je vous ai donnée en vous faisant grimper au-dessus des rochers de cette damnée Chartreuse, où j’ai cru que nous n’arriverions jamais ?


D’une extrémité à l’autre, je vous précipite aux catacombes ; cela vous épargnera la peine de voir celles de Rome ; car ce ne sont pas de ces objets qui soient curieux deux fois : moi, qui vous parle, j’ai pourtant eu la sottise de visiter encore celles deSainte-Agnès ; raais que mon exemple

[i) Schedone a aujourd’hui seize tableaux à Naples au musée Degli Studi, au nombre desquels ses compositions les plus importantes.


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