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Le théâtre du palais est une pièce qui épouvante par sa grandeur, son exhaussement et sa magnificence. Il y a cent quatre-vingts loges, chacune grande comme un petit cabinet d’assemblée, le tout desservi par de grands corridors et de beaux escaliers. Je laisse les opéras ; cet article est du district de Maleteste. La Cour est somptueuse et nombreuse ; le peuple et les équipages y sont dans une si prodigieuse affluence que je ne crains pas de dire que Naples, proportion gardée, est à l’un et à l’autre de ces égards, au-dessus de Paris. En général, ces deux villes se ressemblent beaucoup par le mouvement infernal qui y règne. Il y a ici bien vingt-cinq mille personnes qui n’ont d’autre métier que celui de mendier. Le fameux port de Naples n’est ni beau, ni bon, et la Darse, ou sérail de galères, ne mérite guère un autre éloge. Mais que vous dirois-je du Vésuve, au sommet duquel je me suis fait guinder avec une fatigue que je ne recommencerois pas pour mille sequins ; puis descendre au fond du gouffre, ce qui n’est point si dangereux qu’on le fait ; de la Solfatara, petit Vésuve de poche, non moins curieux que le grand ; enfin de mon voyage à Pozzuoli, à Baia, vrai lieu de délices, s’il subsistoit avec toutes les beautés dont à peine aperçoit-on encore des traces ; à Cumes, au promontoire de Misène ; de ma promenade aux rives de i’Achéron, aux Champs-Elysées, à l’Averne, à l’entrée de la Sybille, et par tout le sixième livre de l’Enéide de Virgile ; des huîtres du lac Lucrin, des bains de Néron, de la superbe piscine d’Agrippa, de la grotte du Chien, etc. ? Ce sont toutes choses qui ne peuvent entrer dans une lettre ; tout au plus pourroient-elles tenir dans un journal, et jamais il n’auroit mieux mérité de vivre qu’en pareille circonstance. J’ai bien envie, en dépit des détracteurs et des affaires, de vous en faire un jour un petit là-dessus, pour vous tout seul. En tous cas nous aurons de quoi en causer ensemble.


Dès aujourd’hui je ne vous passerai point sous silence mon voyage à l’ancienne ville d’Ercolano, enterrée depuis près de 1700 ans, au pied du Vésuve, par la terrible quantité de matières qu’il vomit lors de l’aventure de Pline. Le bourg de Portici, bâti sur ses ruines, a encore été luimême ruiné à peu près de même, et rebâti de nouveau tel qu’il est maintenant. C’est donc au-dessous de tout cela