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pays, et par quelle étrange obstination des gens qui avoienttantde froment ne pouvoient se résoudre à en faire de la farine. Ces réflexions morales me menèrent à Aversa et ensuite à Naples, le 30 au soir, fort tard, oîi un splendide souper, servi sur le minuit, nous eut bientôt fait oublier toute la fatigue de cette mauvaise route. En vérité, elle est grande ; c’est la plus rude et la plus longue traite que l’on fasse en Italie, On y compte cent quarante milles que j’estime soixante bonnes lieues ; j’aimerois infiniment mieux aller de Dijon à Paris, quoiqu’il y ait plus loin, que de venir de Rome ici : outre le désagrément des mauvais chemins, vous avez celui de ne pas trouver l’apparence d’un logement supportable. Pour les mots de cuisine, victuailles, manger, marmites, etc., ils ne sont pas connus dans la langue du pays. Il est étonnant qu’une route aussi fréquentée soit si fort négligée. En récompense, on peut aller fort vite ; les postes sont servies par excellence ; les chevaux y sont vifs, ardents, traîtres et malins comme leurs maîtres : peu s’en fallut que nous n’en fussions les victimes par mainte et mainte versade. M. Loppin ne peut pas s’y ac » outumer, et m’empêche assidûment de dormir en chaise, par les fréquents sermons qu’il fait aux postillons, dans l’espérance de les ramener à une meilleure conduite. Pour moi, c’est un article sur lequel, à force d’habitude, je me suis fait un calus.


Bonsoir, mon ami ; un galant homme doit se couchera l’heure qu’il est. Dites à votre femme que je vais m’endormir avec son image ; cela ne peut manquer de produire un bon effet.

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