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nuyeuse. Cela nous mena à peu près jusqu’à Ronciglione, bicoque embellie par les maisons de campagne des Romains ; et puis voici la vraie campagne de Rome qui se présente. Savez-vous ce que c’est que cette campagne fameuse ? C’est une quantité prodigieuse et continue de petites collines stériles, incultes, absolument désertes, tristes et horribles au dernier point. Il falloit que Romulus fût ivre quand il songea à bâtir une ville dans un terrain aussi laid. À la vérité, à deux milles autour des murailles de la ville, la campagne est tenue un peu plus proprement, mais jusque-là on ne trouve aucune maison que la cabane où est la poste.

Nous la joignîmes donc enfin cette ville tant désirée ; nous passâmes le Tibre sur le Ponte Molle, et entrâmes par la porte Del Popolo, ayant fait depuis Venise jusqu’ici quatre cent treize milles, qui font environ cent soixante-cinq lieues.

Nous courûmes à Saint-Pierre comme au feu, et vous pouvez compter que le 19 octobre, à quatre heures du soir, j’étois dans la chaire de Saint-Pierre, à lancer les foudres du Vatican, contre ceux qui parlent mal de mon journal. Marquez-moi s’ils ne sont pas maigris de ce jour-là.


LETTRE XXVIII

AU MÊME


Route de Rome à Naples.
Naples, 2 novembre.


Je me laisse encore séduire par votre éloquence melliflue, mon cher Blancey, pour vous tracer succinctement la route de Rome à Naples ; mais je vous avertis tout de bon que ce sont ici les derniers efforts du journal expirant. Il y en a mille raisons ; mes courses, mes occupations à Rome, la paresse qui me laissera certainement arrérager quinze jours ou trois semaines, après quoi je me connois,