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ordinaire déclamoit comme un poêle plein d’enthousiasme. L’accompagnateur et lui alloient de concert avec une surprenante rapidité. Au sortir de là, Perfelti paraissoit fatigué ; il nous dit qu’il n’aimoit pas à faire souvent de pareils essais, qui lui épuisoient le c« )rps et l’esprit. Il passe pour le plus habile improvisateur de l’Italie. Son poème me fit bien plaisir ; dans cette déclamation rapide il me parut sonore, plein d’idées et d’images. C’étoit d’abord une jeune bergère qui se réveille, frappée de l’éclat de la lumière ; elle se reproche sa paresse, et va réveiller ses compagnes, leur montre l’horizon déjà doré des premiers rayons du jour, leur représente qu’elles auroient déjà dû conduire leurs troupeaux dans les prairies émaillées de fleurs. Les bergères se rassemblent ; le phénomène augmente : la foudre du maître des cieux s’élance de toutes parts d’un globe obscur qui menace la terre ; les vagues enflammées se débordent sur les campagnes : la terreur saisit toutes les bergères. Vainement une d’entre elles, plus instruite que les autres, veut leur expliquer les causes physiques du phénomène ; tout fuit, tout se disperse, etc. Ce canevas, tourné poétiquement, rempli de phrases harmonieuses, déclamées avec rapidité, joint à la difficulté singulière de s’assujettir aux strophes en rimes octaves, jette bien vite l’auditeur dans l’admiration et lui fait partager l’enthousiasme du poète. Vous devez croire néanmoins qu’ily a là dessous beaucoup plus de mots que de choses. Il est impossible que la construction ne soit souvent estropiée et le remplissage composé d’un pompeux galimathias. Je crois qu’il en est un peu de ces poèmes comme de ces tragédies que nous faisons à l’impromptu, M. Fallu et moi, où il y a tant de rimes et si peu de raison ; aussi le chevalier Perfetti n’a-t-il jamais rien voulu écrire, et les pièces qu’on lui a volées tandis qu’il récitoit n’ont pas tenu à la lecture ce qu’elles avoient promis à la déclamation.


Le 17 au matin nous commençâmes à descendre la montagne et à prendre tout de bon la route de Rome. Je passai à San Quirico, devant le palais Zondadari, dont je n’ai garde de vous rien dire(1) ; car le maître de la maison, par une inscription posée sur sa porte, a expressé- (-1) Appartient aujourd’hui à la famille Chigi.