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capitaine dans les troupes de Florence, 1536. Voyez si Ducange en a parlé.


Quoique ma coutume soit de m’étendre principalement sur les villes dont les autres relations ont peu parlé, et qu’il y ait encore quantité d’autres choses à noter sur celle-ci, je les supprime, attendu que cette épître commence à me paraître moins courte que celle aux Corinthiens, que j’ai toujours trouvée trop longue, pour une lettre s’entend. Ainsi, je ne parlerai pas d’un assez bon nombre de tableaux de manière florentine, passablement bons, dispersés ça et là dans les églises ; je ne note qu’un Saint François, de Cimabue, au chapitre des Cordeliers ; et un tableau d’autel, aux Jacobins, d’un nommé Traini (Francesco)(1), peintre fort ancien, de qui je n’ai jamais vule nom que là. J’allai passer ma soirée avec le père Grandi, qui a la réputation en France d’ctre le plus savant mathématicien de l’Italie. Le bonhomme est fort vieux et n’y est plus guère ; mais il a un jeune clerc nommé Froment, de Besançon, qui me parut un garçon de beaucoup de mérite.


Le lendemain 13, nous nous rendîmes à Livourne d’assez bonne heure. Le pays qu’on traverse est tout plat et peu agréable. Nous passâmes dans une forêt où Fou a établi des haras de buffles et des haras de chameaux. J’y trouvai encore une autre singularité : ce sont des arbres de liège. C’est une espèce de chêne vert fort haut, à feuille épineuse ; on lève tous les ans l’écorce, qui se reproduit comme les feuilles. Voilà le liège.


Nous sommes ici depuis près de vingt-quatre heures, sans encore avoir pu mettre le nez dehors, à peine d’être submergés. La saison devient furieusement incommode pour voyager ; je compte cependant être à Rome dans cinq jours, où vous m’écrirez désormais poste restante.


Que dites-vous de la galanterie de notre Saint Père, qui a la politesse de se laisser mourir pour nous faire voir un Conclave ? On n’a pas encore reçu la nouvelle de sa mort, mais autant vaut. J’ai reçu à Florence votre lettre du 30 août. Vraiment les dames ont bien de la bonté de se battre pour mes lettres ; sur ce pied-là elles se battront bien mieux, à mon retour, pour l’original ; mais dites-leur que je -suis capable de les mettre toutes d’accord.


(I) Florentin, élève d’Orcagna.


T. I. 10