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main, écarte les doigts de toute sa force pour ne point voir.


Le quatrième est la célèbre tour de Pise, toute ronde, entourée de huit étages de colonnades et toute creuse en dedans, de sorte que ce n’est qu’une croûte ; elle penche tellement, qu’un niveau, jeté du haut, va tomber à plus de douze pieds des fondations. À examiner les symptômes apparents de cette tour, il semble qu’elle se soit affaissée d’un côté tout d’une pièce. Cependant il paraît bien dur à croire, vu la forme de sa construction, qu’elle ait pu faire un pareil pas de ballet sans se dégingander le reste du corps.


L’église des Chevaliers de Saint-Étienne, ordre du Grand-Duc, est toute tapissée d’étendards pris sur les Turcs. C’est un beau trophée, mais je voudrois bien savoir s’il n’y en a pas aussi quelques-uns des leurs dans les mosquées. Le plafond est fort doré et peint par le Bronzino, qui y a représenté la vie de Ferdinand de Médicis. Le maître-autel en architecture, tout de porphyre incrusté de calcédoine, est une pièce fort remarquable.


Au milieu de la place qui est au-devant de l’église, est la statue du grand Côme, fondateur de l’ordre, et tout autour les maisons des chevaliers.


Autre statue de Ferdinand, faisant la charité à une femme et à deux enfants. . . Il me semble que la chapelle gothique de marbre, bâtie aux frais d’un mendiant, n’est pas loin de là[1]. Remarquez encore le grand et bel aqueduc d’une lieue et demie de long, qui apporte, des montagnes voisines, d’excellentes eaux à la ville. … Le jardin des simples, qui n’est pas grand, mais où il y a quantité de plantes américaines curieuses. Le vestibule du jardin est un cimetière où l’on a rassemblé de grands vilains squelettes de baleines. Item, le cloître de l’archevêché ; une fontaine et une statue de Moïse au milieu. . . . l’arsenal où se construisent les galères du Grand-Duc, que l’on conduit ensuite à Livourne par un canal pratiqué exprès. Ce n’est pas grand’chose que cet arsenal pour ceux qui ont vu les chantiers de France et de Venise. . . . Aux Dominicains, un tombeau de Démétrius Cantacuzène,

  1. Santa Maria della Spina.