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a exécutés depuis. Ce Stock vient d’être chassé de Rome comme espion du Prétendant ; il s’est réfugié ici, où l’on vouloit lui faire le même traitement, si le voi d’Angleterre n’eût déclaré qu’il l’y maintiendroit par toutes les voies imaginables ; cela n’a pas servi à diminuer les soupçons qu’on avoit. Voici une petite histoire assez comique que j’ai ouï conter de lui en France. Hardion, notre confrère, montroit le cabinet du roi, à Versailles, à plusieurs personnes, du nombre desquelles étoit ce galant homme. Tout-à-coup certaine pierre, fort connue de vous, sous le nom de cachet de Michel-Ange, se trouva éclipsée. On chercha avec la dernière exactitude : on se fouilla jusqu’à se mettre nu, le tout sans succès. Hardion lui dit : « Mon» sieur, je connois toute la compagnie, vous seul excepté ; » d’ailleurs je suis en peine de votre santé ; vous paraissez » avoir un teint fort jaune, qui dénote de la plénitude. Je » crois qu’une petite dose d’émétique, prise sans déplacer, » vous seroit absolument nécessaire. » Le remède pris sur-le-champ fît un effet merveilleux, et guérit ce pauvre homme de la maladie de la pierre qu’il avoit avalée.


Je me suis aussi amusé à voir le théâtre des combats d’animaux (1), fort joliment construit en loges de pierres grises, avec une arène ou parterre au milieu. La ménagerie est à côté ; il y a une lionne qui rapporte comme un barbet, un tigre d’une grandeur démesurée et beau comme un ange, avec deux petits tigrons qui sont bien du plus méchant caractère que l’on puisse se figurer.


Il faut voir aussi une autre espèce de ménagerie ; c’est la salle de l’Académie de la Crusca, où le siège de toutes les chaises sur lesquelles on se met est une hotte, et le dos une pelle à four ; le directeur est élevé sur un trône de meules ; la table est une pétrissoire, les garde-robes sont des sacs : on tire les papiers d’une trémie. Celui qui les lit a la moitié du corps passé dans un bluteau, et cent autres coïonneries relatives au nom de la Crusca, qui signifie son de farine ; car le but de son institution est de bluter et ressasser la langue italienne, pour en tirer ce qu’il y a de plus fine fleur de langage, rejetant ce qu’il y a de moins pur. Vous savez combien cette académie est célèbre et mérite de l’être ; mais ce n’est

(I) N’exi.ste plus.