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que je passerai à l’ordinaire, pour ne m’arrôter qu’à un seul morceau du Giotto, un peu moins mauvais que ceux de Cimabue. Les cloîtres de ce couvent sont les plus beaux de la ville.


En voilà assez sur ce chapitre. Je supprime le reste, ou parce qu’il ne me paraît pas valoir la peine d’être rapporté, ou parce que je ne l’ai pas vu. Une impertinente lièvre double-tierce qui m’avoit déjà un peu lanterné en partant de Venise, vouloit renouveler connaissance avec moi et me faire perdre du temps. Je l’ai expédiée en bref avec tout l’attirail de : « CUsterium donare, en-mita sei« gnare, postea purgare. »

Parmi les palais, celui de Strozzi (t) mérite, quoique non terminé, de tenir le premier rang par son admirable architecture, tant extérieure qu’intérieure. L’ouvrage est de Scamozzi et de Buontalenti. Après celui-là je donne la pomme à la petite maison Ugolini. Il y a tant d’autres palais, que ce seroit folie de les vouloir parcourir. Ils m’ont paru, quand je les ai vus lors de ces nombreuses assemblées dont je vous ai parlé, fort vastes et remplis de peintures, que je ne pouvois pas examiner à mon aise. Je ne m’arrêterai guère qu’à l’immense palais Riccardi, autrefois la demeure (2) des Médicis ; mais le marquis Riccardi ne l’a pas apparemment trouvé assez grand pour lui, car il l’a fait encore augmenter. Il est tout construit en rustique par Michellozzo, avec des corniches soutenues par des colonnes du dessin de Michel-Ange. La cour est à colonnades, avec un jet d’eau au milieu, et les murs sont bâtis d’inscriptions antiques bien arrangées ; les appartements sont ennuyeux à force d’être grands : ils sont assez garnis de beaux tableaux . La galerie est peinte par Lucca Giordano ; c’est la principale pièce de la maison, à cause . de certaines grandes armoires toutes remplies de bronzes et meubles antiques, et d’une quantité prodigieuse d’admirables camaïeux et pierres gravées antiques, parmi lesquelles est le fameux cachet d’Auguste, représentant un sphinx ; c’est peut-être celui dont parle Suétone. Il est

(1) Ce palais, aujourd’hui (ermiiié, appartient toujours à la famille Strozzi.


(2) On en a fait récemment une caserne occupée par les troupes autrichiennes.