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LETTRE XXI

À M. DE BLANCEY


Suite du séjour à Bologne.
18 septembre.


N’êtes-vous pas bien las, mes chers amis, des longues descriptions que je vous faisais l’autre jour ? n’aurai-je rien de plus amusant pour vous et pour moi ? rien de plus vivant à vous dire ? Par exemple, j’aurois dû, avant que d’entrer dans le détail de ce que contient la ville, vous en donner une idée générale ; vous dire qu’elle étoit riche, commerçante, assez bien peuplée ; que le pape n’en pouvoit tirer que de très-légers tributs ; qu’elle se gouvernoit en espèce de forme républicaine par des sénateurs tirés de la noblesse, à la tête desquels est un premier magistrat nommé Gonfalonier, lequel demeure dans le palais public aussi bien que le Légat ; et même, ce qui est plus singulier, c’est que la ville a des ambassadeurs à Rome, comme un État étranger. Mais il y a longtemps que vous avez dû vous apercevoir que j’étois du régiment de Champagne, qui se soucie peu de l’ordre, et que je faisois comme l’ami Plutarque, qui rapporte quelquefois la mort des gens, avant que d’avoir parlé de leur naissance.

Vous ne sauriez vous figurer combien les chiens sont communs ici : on ne trouve autre chose par les rues ; vous en aurez un échantillon. Il y a un gros barbet qui libéralement s’est donné à moi ; je le destine à madame de Blancey, pour être successeur de ce petit gredin de Migret, qui a l’honneur de ses bonnes grâces, et tant d’autres préférences mal placées. Je la prie donc d’aimer cette ville-ci, tant à cause de cet honnête barbet et de ses bons saucissons, dont je mange prodigieusement à son acquit, que par rapport au bon traitement que nous y recevons de tout le monde. Nous n’avons point encore