la grecque, basse, impénétrable à la lumière, d’un goût misérable, tant en dedans qu’en dehors, couverte de sept dômes revêtus en dedans de mosaïques à fond d’or, qui les font ressembler bien mieux à des chaudières qu’à des coupoles. Elle a double collatérale, dont les deux extérieures ne servent guère que de passage ou de promenoirs, et un long vestibule destiné au même usage. Avec les richesses immenses qu’on y a prodiguées, il a bien fallu qu’à la fin elle fût curieuse, en dépit des ouvriers diaboliques qui les ont mises en œuvre. Du haut en bas, en dedans et en dehors, l’église est couverte de peintures en mosaïque à fond d’or. Vous savez que la mosaïque est une peinture qui se fait avec des petites pièces d’environ trois lignes en carré de pierres naturelles, ou de verre mis en couleur, qui servent à nuer et à dessiner le sujet. Ces ouvrages ne peuvent jamais être bien délicats, mais aussi le coloris n’est pas sujet à se perdre, ce qui a engage les premiers peintres à s’en servir souvent. Maintenant la patience inouïe qu’il faut pour cela et le peu de beauté dont ces ouvrages sont susceptibles, en a fait depuis négliger la méthode. Celles-ci doivent être regardées comme le premier monument de la peinture, puisqu’elles ont été faites dès l’an 1071, par des ouvriers grecs qu’on fit venir exprès. Ainsi, n’en déplaise aux Florentins, ce n’est point chez eux, c’est ici que cet art s’est renouvelé. Leur Cimabue, plus de 150 ans après, vint en prendre l’idée sur les ouvrages de Saint-Marc. C’est en vérité la seule obligation qu’on ait, tant à lui qu’à ces gens-ci, que d’avoir eu le goût assez pervers pour faire les méchantes choses qui depuis ont donné lieu à en faire de si belles. Au coloris près, qui s’est assez conservé par le genre de l’ouvrage, on ne peut rien voir de si pitoyable que ces mosaïques : heureusement les ouvriers ont eu la sage précaution d’écrire sur chaque sujet ce qu’ils ont voulu représenter. Les autres morceaux du même genre, que l’on a faits depuis, sont mieux exécutés ; il y en a beaucoup qui se distinguent par la brillante vivacité du coloris et des fonds d’or ; mais en général il n’y a rien là de fort satisfaisant, si ce n’est le plafond de la sacristie où l’on a eu le bon esprit de représenter, non des figures, mais des broderies et des arabesques de la dernière beauté ; c’est le seul genre où la mosaïque soit propre. Le pavé est aussi en entier de mosaïque
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