Page:Charles de Brosses - Lettres familières écrites d’Italie - ed Poulet-Malassis 1858.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui s’y passe , surtout n’ayant eu aucune nouvelle de France depuis mon départ, que la lettre que j’ai reçue de Blancey à Marseille ; ainsi , mes chers amis , je vous charge bien fort l’un et l’autre de veiller à ce que les gens de ma connaissance m’écrivent souvent et avec grand détail.


LETTRE XIV

À M. DE BLANCEY


Séjour à Venise.
14 août 1739.


Un bruit assez étrange est venu jusqu’à moi.
Seigneur……


On prétendoit tout communément dans Venise que mon journal ci-présent, ouvrage si respectable, n’avoit servi, en arrivant vers vous, qu’à égayer votre veine et celle de vos compatriotes, de fort méchants propos ; que vous vous étiez émancipés à lâcher certains traits de satire contre un travail aussi distingué par l’utilité des choses qu’il contient, que par la précision et la brièveté qui y régnent, et que, non contents d’avoir les uns et les autres épuisé votre petite ironie sur des écrits qui, à la matière et au style près, sont, à coup sûr, irrépréhensibles, vous aviez mêlé M. Loppin dans vos railleries ; chose que je ne pourrois, ne voudrois, ni ne devrois tolérer. Il est vrai que ce n’est pas un mauvais plaisant, ni un freluquet comme vos petits messieurs ; mais en récompense c’est un esprit sensé, un caractère droit, un bon cœur, des vues justes : c’est l’homme qui fait face pour nous lorsqu’il est question de doctrine. En un mot, c’est une tête carrée, dont nous ferions bien de suivre les avis. Ainsi, sur le bruit qui couroit de ce que dessus, j’allois sans doute me gendarmer bien fort ; mais à la vue de votre lettre,


Seigneur, je l’ai jugé trop peu digne de foi.