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qui manque à celui de Paris. Quant aux serres, c'est fort peu de chose, surtout pour ceux qui ont vu celles de Paris.


La belle place et le bel endroit de la ville est celle oli est le palais Capitano ; elle est assez grande, régulière et bien pavée. Celle qu'on appelle Prato délia Valle, est vé- ritablement un fort grand pré, qui produit le meilleur foin du monde. L'église de Sainte-Justine donne sur cette place. Au dehors elle a tout-à-fait l'air d'une mosquée, par ses sept coupoles couvertes do plomb ; cela n'est pas étonnant, car les grands édifices de ce pays-ci,' tels que Saint-M^rc et Sainte-Justine, sont faits à l'imitation de l'église grecque de Sainte-Sophie, qui a pareillement servi de modèle aux Turcs, pour les autres belles'mos- quées qu'ils ont fait construire à Constantinople. L'inté- rieur est clair, noble et beau par sa simplicité ; les uns prétendent que Palladio en est l'architecte ; les uns assu- rent que c'est un moine ; c'est ce que je ne puis décider. Quoiqu'il en soit, il règne dans cette architecture de furieuses licences. Le pavé de marbre noir, rouge et blanc, est peut-Qtre le plus beau ou au moins le mieux tenu de l'Italie. L'autel, de marbre de rapport, et les stalles où la vie de Jésus-Christ a été sculptée par un françois, ne sont pas non plus des objets médiocres. Paul Veronese a peint dans le fond du chœur le Martyre de sainte Justine, c'est un de ses morceaux les plus estimés ; mais, à l'ordonnance près, il ne m'a pas fait un fort grand plaisir. Le couvent est également digne d'être vu par l'étendue et la clarté des cloîtres, et par l'élégante construction et les jolies boiseries de la bibliothèque bien fournie en bons livres. On me montra un Lactance im- primé en 1 465, dans le monastère de Subiaco, qu'on croit être le prsmier livre imprimé en Italie, lorsqu'on y eût fait venir de Mayence, Fust et Schœffer, inventeurs de l'art (1). Rien n'est égal à la bibliothèque du séminaire pour l'étonnante richesse en vieux livres imprimés avant 1500. Je crois que le premier volume des Annales typo- graphiques de Maittaire pourroit leur servir de catalogue.


(I) Le premier livre imprimé en Italie, à Subiaco, non par Fust et Schœffer, mais par Conrad Sweinheim et Arnold Pannartz, est un Donat.


5.