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les nobles Dorines de Dijon, à qui De Brosses écrivait, madame Courtois de Quincey, par exemple, ne se scandalisaient pas pour si peu. Elles avaient appris, sans doute à l’école des conseillers érudits et des abbés lettrés, toutes les saines franchises du bon vieux langage. Et ne savons-nous pas, d’ailleurs, que c’est du mot gallus que viennent en droite ligne ces mots si nationaux de gaillardise et de galanterie ?

On prétend que Charles De Brosses, en autorisant ses amis à copier, pour leur agrément, un manuscrit qui n’était pas destiné à l’impression, avait eu le soin de marquer lui-même à l’encre rouge les passages scabreux : il témoignait ainsi, disent ses descendants, qu’il regrettait un péché de jeunesse et que son ouvrage ne devait point être livré au public. Ni le président, ni son fils, ni son petit-fils, n’auraient désiré, pour ces lettres si remarquables, que le mystérieux et piquant demi-jour d’une galante confidence. On nous permettra de douter au moins des scrupules du président. Et, quant à ses héritiers, ne doivent-ils pas se trouver heureux d’avoir à regretter aujourd’hui ce que Charles De Brosses avait l’air de redouter ? Le charmant éclat qui a rejailli sur leur nom me semble une très-douce compensation à leurs pudiques regrets. L’histoire des copies des Lettres familières reproduit exactement l’histoire si connue des copies de la correspondance de madame de Sévigné. Puisque vous vous laissez copier, vous ne serez pas fâché qu’on vous imprime. On vous imprimera donc quelque jour, à votre insu, et certainement sans votre aveu, de sorte que vous aurez le plaisir de déplorer hautement votre gloire, comme si vous ignoriez, en homme naïf, que d’une confidence à une indiscrétion il n’y a jamais que la main.

La première indiscrétion, d’ailleurs, a été le fait de Charles De Brosses lui-même ; car ce n’est pas malgré lui, je pense, que son ami Lalande a inséré des extraits des Lettres familières dans son Voyage d’Italie. Si le manuscrit n’a pas été publié tout entier du vivant de son auteur, c’est que Charles De Brosses, en dehors de sa société particulière, tenait à respecter à la fois les conve-