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y auroit eu de l'absurdité à prétendre les en tirer pour
aller voir des livres. On me montra aussi la maison où le
maréchal de Villeroy fut fait prisonnier.
Au sortir de Crémone, nous retrouvâmes nos canaux
et notre plaine plus belle que jamais. Les villageois
étoient actuellement occupés à faucher les prés pour la
troisième fois. On les fauche une quatrième, puis on
met le bétail dedans pour l'engraisser.
Après avoir fait trente-six milles dans noire journée,
nous trouvâmes Bozzolo, petite ville qui a des fortifi-
cations assez bien revêtues, mais sans fossés ; elle appar-
tient au prince de Guastalla.
Le lendemain, après avoir traversé Saint-Martin-de-
Bozzolo, petite ville aussi agréable que j'en aie jamais
vu, nous passâmes la rivière d'Oglio, sur un grand pont
de bois que les François y ont construit en dernier lieu.
Je crois qu'il y a un péage ; mais les gardes ne furent ni
si mal avisés, ni si peu reconnaissants que de vouloir
l'exiger de nous. Au bout de quelque temps le Lac Supérieur
se fit voir. Nous cheminâmes sur la chaussée qui règne
entre les marais, et ce que l'audacieux Villars (<}, avec
notre armée, n'avoit pu faire en trois ans de guerre, je
le fis sans résistance, c'est-à-dire que j'entrai triomphant
dans Mantoue, distant de Bozzolo de quatorze milles.
Je ne sais quelle idée on a eue de bâtir une ville dans
un pareil endroit ; car bien qu'elle ne soit pas, comme on
le dit souvent, au milieu du lac, mais au bord, elle est
tellement engagée dans les marais, qu'on ne peut
l'aborder, même du côté praticable, que par une étroite
chaussée. Outre la force naturelle de sa situation, elle
n'en est pas dénuée du côté de l'art. Ses ouvrages et
la citadelle ont très-bonne mine, de sorte qu'à moins de
savoir, comme d'Allerey, tous les stratagèmes de Frontin,
il paraît presque impossible de prendre de force une
pareille place. Elle est un peu plus grande que Crémone,
sale et puante dans les quartiers bas, c'est-à-dire presque
partout ; elle paraît assez commerçante et peuplée, et
n'est bâtie ni bien ni mal.
(I) l'audacieux Villars
Disputant le tonnerre a l'aigle des Césars.
VoLTAinu : Uennadf.