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vingt-dix pieds de roi. C'est une chose frappante que
d'apercevoir cette prodigieuse figure, dont le nez ne finit
point. Les bords du lac sont garnis de montagnes fort
couvertes de bois, de treilles disposées en amphithéâtre,
avec quelques villages et maisons de campagne, qui
forment un aspect assez amusant. Nous voyions près de
nous des montagnes couvertes de neige, qui nous
faisoient frais aux yeux ; mais d'ailleurs nous n'avions
pas moins chaud. Tant il y a que le vent ayant juré que
nous n'irions pas plus loin, il fallut en passer par son mot
et relâcher à Belgirate, oîi nous passâmes la nuit à nous
impatienter et à jurer contre noire sottise de faire cin-
quante milles pour aller et autant pour revenir, le tout en
faveur de deux méchants bouts d'îles : surtout le lende-
main matin, quand nous vîmes que, contre notre espé-
rance, le vent, au lieu de finir, augmentoit, il n'y eut si
grand sang-froid qui ne fût tout-à-fait hors des gonds.
Le vent nous laissa tranquillement dire, et s'abaissa
quand il lui plut : ce fut plus tôt que nous ne l'aurions
cru ; de sorte qu'au bout de trois heures nous aper( ; umes
ces bienheureuses îles. Alors nous n'aurions pas voulu
n'être pas venus, tant celle qu'on nomme l'île Belle fait
un spectacle singulier. Une quantité d'arcades, construites
au milieu du lac, soutiennent une montagne pyramidale
coupée à quatre faces, revêtue de trente-six terrasses en
gradins l'une sur l'autre, savoir : neuf sur chaque face,
du moins à ce que l'on en jugeroit avant que d'aborder ;
mais le nombre de ces terrasses n'est pas en effet si
grand, à cause des bâtiments qui occupent une partie des
faces de la pyramide. Chacune de ces terrasses est
tapissée, dans le fond, d'une palissade, soit de jasmin,'
soit de grenadiers ou d'orangers, et revêtue sur son bord
d'une balustrade chargée de pots de fleurs. Le comble de
la pyramide est terminé par une statue équestre formant
un jet d'eau, du moins à ce que l'on nous dit ; , car je ne
l'ai pas vu jouer, et les quatre arêtes sont chargées sur
les angles de statues, obélisques et jets d'eau. Il y a
assurément en France bien des beautés de l'art et de la
nature qui valent mieux que ceci ; mais je n'en ai point vu
de plus singulière ni de plus singulièrement placée ; cela
ne ressemble à rien qu'aux palais des contes de fées.
L'aspect de ce pays de Romancie est ce qu'il y a de