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BALLADE.

     Je meurs de soif au près de la fontaine ;
Tant plus mengue, et tant plus je me affame ;
Povre d’argent où ma bourse est plaine,
Marié suis et si n’ay point de fame ;
Qui me honnore, grandement me diffame ;
Quant je vois droit, lors est que me devoye ;
Pour loz et pris, je tiltre de diffame ;
Grief desplaisir m’est excessive joye.
     Quant on me toult, richement on me estraine ;
Dix mil onces ne me sont qu’une dragme ;
Sec et brahaing, je porte fleur et graine ;
En reposant, sur mer tire à la rame ;
Actaine suis en tous lieux où n’a ame ;
Accompaigné, je n’ay qui me convoye ;
Toute entiere est la chose que je entame,
Grief desplaisir m’est excessive joye.
     En aspirant, je retiens mon alaine ;
Quant eur me vient, maleureux je me clame
Fort et puissant, flexible comme laine ;
Transi d’amours sans avoir nulle dame ;
Homme parfait, privé de corps et d’ame ;
Paisible suis, et ung chascun guerroye ;
Mes ennemis plus que tous autres ame ;
Grief desplaisir m’est excessive joye.


ENVOI.

     Mauvaise odeur m’est plus fleurant ijue basnie
Pasmé de dueil, angoisseux me resjoye ;
En eaue plungié, je brule tout en flame,
Grief desplaisir m’est excessive joie.