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Si euz, comme par destinée,
À mon gré la meilleure née
Qui en France se trouvast oncques.
     Comme ma Dame, ma maistresse
Et ma terrienne Déesse,
Tousjours la sers et l’ay servie ;
Car il m’a, par deffense expresse.
Commandé lui faire promesse
D’estre sien pour toute ma vie.
Car tant ma pensée a ravie
Et à la cherir asservie
Que je ne pourroye, sur m’ame,
D’aultre jamais avoir envie,
Tant feust elle bien assouvie,
Si fort lui a pieu que je l’ame.
     Mais ainsi m’en va que depuis
Qu’à elle donné je me suis,
Je ne peuz avoir bien ne joye,
Fors que tous maulx et tous ennuis
Qui à toute heure, jours et nuis.
Me tourmentent où que je soye,
Tant que ne sçay que faire doye ;
Et semble, se dire l’osoye,
Qu’ilz ayent tous ma mort jurée.
Se vostre bonté n’y pourvoye,
Force sera que par eulx voye
Finer ma vie maleurée.
     Pource que souvent ne la voy,
Le plus que je puis, sur ma foy,
Je ne fais qu’en elle penser,
Savez vous la cause pourquoy ?
En espérant que mon ennoy
Se deust aucunement cesser.
Mais il ne me veult délaisser,
Car plus en elle est mon penser,