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LES FLAGELLANTS

titule pompeusement «professeur de dressage et de ravalement ». Les hommes la voulaient aussi, enfin ce fut un succès éclatant auquel la malheureuse ne comprenait rien.

Elle n’alla avec personne, ce furent les camarades jalouses de la Goulue qui l’emmenèrent souper. À table, on leur servit un immense plat de côtelettes. Aucune d’elles n’aimait le gras,elles le laissaient sur leur assiette ; elle, avec sa fourchette, s’en emparait aussitôt. Comme on ignorait son nom, elle fut immédiatement baptisée Gras de Côtelettes. Aucune de ses marraines ne prononça la fameuse formule : Vade retro Satanas, mais elles l’ondoyèrent avec des flots de champagne.

Le lendemain, elle revint au Moulin-Rouge, son succès fut si grand qu’elle fut engagée ; puis, un beau jour, elle disparut comme une étoile filante.

D’où venait Gras de Côtelettes ?

Son histoire n’est pas banale et démontre jusqu’à l’évidence, ce que vaut la morale des vieux messieurs qui veulent réformer la licence des mœurs et celle de la rue.

Fille d’un ouvrier cordonnier, comme les pauvres gens n’avaient qu’une seule pièce, elle couchait avec son frère âgé de seize ans, trois de plus qu’elle. Ce que cette promiscuité amena, on le devine : à seize ans on n’a point besoin de flagellation pour être viril.