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LES FLAGELLANTS

délicieux, comme si elle avait été cuite dans un court bouillon additionné d’eau de Lubin en guise de vin blanc.

– Elle est bien aimable la dame, pensa l’Auvergnat ; la saucisse sera pour mon déjeuner, et les cinq sous pour l’arroser d’un demi-setier du bon vin de la payse Cambournac, qui tient en face un débit : Au Cocher fidèle.

À midi, il mangea la saucisse ; il la trouva si exquise qu’il déplora qu’elle fût solitaire.

Le lendemain matin, il leva la tête et, presque à la même heure, le manège de la veille se reproduisit.

Il mangea encore la bienheureuse saucisse sans penser à se demander les causes de la libéralité de la dame du quatrième.

Comme il était jeune, pas mal tourné, des épaules carrées, l’idée lui vint que peut-être la dame du quatrième était veuve, qu’elle était amoureuse de lui, et que, pour le séduire, elle employait le moyen de le nourrir ; qu’au lieu de le prendre par le cœur, elle le prenait par la gueule. Il se débarbouilla, se pomponna, mit tous les jours sa belle veste neuve, d’un beau bleu à reflets chatoyants, il abandonna ses godillots pour une paire de bottines à 12 fr. 50 ; bref, comme tous les jours il montait chercher sa saucisse et ses cinq sous, il finit par se persuader