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ET LES FLAGELLÉS DE PARIS

rage, relevait son voile et semblait causer avec un être invisible. Je ne voulais pas la troubler, mais j’écoutais avec plaisir sa voix harmonieuse qui se confondait avec le chant des oiseaux et le bruissement des feuilles. Je ne saisissais pas bien ce qu’elle disait, mais je devinais, au mouvement de ses lèvres, qu’elle répétait sans cesse : Ami… Je t’aime… La mort… Affection éternelle… Mon cœur à toi… Je te vois… Bientôt tu seras avec moi… Je la prenais pour une hallucinée, pour une détraquée, mais j’étais intrigué tout de même.

Un jour, on afficha à la porte du cimetière l’avis que les fosses temporaires allaient être relevées. Elle arriva comme de coutume. Justement,je creusais une fosse à côté. Elle s’avança vers moi et me dit avec un soupir de contentement ce seul mot :

— Enfin !!!

Voilà une femme étrange, pensais-je, quand tant d’autres parents et amis pleurent à l’idée que la tombe des leurs va disparaître à jamais et qu’ils ne pourront plus accomplir leur douloureux pèlerinage. Elle, se réjouit. Que veut-elle dire par ce mot : Enfin ! Va-t-elle se suicider, quand on ouvrira la fosse, sur le squelette de son ami ?

— Que voulez-vous dire, madame, par ce mot : Enfin ! Est-ce que vous êtes fatiguée d’apporter des fleurs chaque jour ? fis-je.