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ET LES FLAGELLÉS DE PARIS

Cependant proxénète haut cotée, c’était dans cette assemblée élégante qu’elle comptait le plus clair de sa clientèle, mais le métier exige une profonde discrétion, son succès lui permettait la morgue. Qui donc payait ses chevaux les plus beaux de Paris ? Qui donc payait son luxe ? Qui donc l’enrichissait, sinon les mâles de cette foule dans laquelle elle se confondait et qui lui remboursaient en or, chez elle, les dédains dont ils la saluaient, dans la rue, à l’heure de la promenade-réclame ?

Car c’était sa réclame cette promenade osée. Elle fut vingt ans sa propre affiche, obligeant les plus chastes à la lire au passage, les plus vertueux à retenir son nom. Pour s’imposer au Paris, surtout au Paris blasé, quelque commerce que l’on fasse, il faut, comme Alcibiade, couper la queue à son chien. C’est une façon de parler, car jamais la baronne n’eût consenti à une mutilation pareille ; elle eût trouvé un équivalent que tout Paris connaissait et qui est caractérisé par ce mot d’un gavroche : on sait qu’ils ont la dent cruelle.

Elle passait dans son milord, sur le boulevard, la figure emmaillotée d’un foulard en soie blanche pour protéger ses joues horriblement gonflées par une atroce fluxion. Gavroche, à sa vue, s’écria : « Ah ! la pauvre baronne qui est enceinte. »

Sa voiture à tapage, son nom de guerre, sa spé-

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