Page:Charles Perrault - Oeuvres choisies, édition 1826.djvu/404

Cette page n’a pas encore été corrigée

Non, ce n’est pas à tort que tes inventions
En tout temps ont charmé toutes les nations ;
Que de tes deux héros, les hautes aventures
Sont le nombreux sujet des plus doctes peintures,
Et que des grands palais les murs et les lambris
Prennent leurs ornements de tes divins écrits.
Cependant, si le ciel, favorable à la France,
Au siècle où nous vivons eût remis ta naissance,
Cent défauts qu’on impute au siècle où tu naquis,
Ne profaneraient pas tes ouvrages exquis.
Tes superbes guerriers, prodiges de vaillance,
Prêts de s’entrepercer du long fer de leur lance,
N’auraient pas si longtemps tenu le bras levé ;
Et, lorsque le combat devrait être achevé,
Ennuyé les lecteurs, d’une longue préface,
Sur les faits éclatants des héros de leur race.
Ta verve aurait formé ces vaillants demi-dieux,
Moins brutaux, moins cruels et moins capricieux.
D’une plus fine entente et d’un art plus habile
Aurait été forgé le bouclier d’Achille,
Chef-d’œuvre de Vulcain, où son savant burin.
Sur le front lumineux d’un résonnant airain,
Avait gravé le ciel, les airs, l’onde et la terre,
Et tout ce qu’Amphytrite en ses deux bras enserre,
Où l’on voit éclater le bel astre du jour,
Et la lune, au milieu de sa brillante cour.
Où l’on voit deux cités parlant diverses langues,
Où de deux orateurs on entend les harangues,
Où de jeunes bergers, sur la rive d’un bois,
Dansent l’un après l’autre, et puis tous à la fois ;
Où mugit un taureau qu’un fier lion dévore,
Où sont de doux concerts ; et cent choses encore