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Elle, pâle, abattue, et de larmes baignée,
Déplore en soupirant sa triste destinée ;
Et, songeant au plaisir qu’elle goute à le voir,
Ne voit, dans l’avenir, qu’horreur et désespoir.
Amour, qui sais ma flamme et les maux que j’endure,
N’auras-tu point pitié de ma triste aventure ?
Je ne demande pas la fin de mon tourment ;
Mais, hélas ! donne-moi quelque soulagement.
Sur l’aile des soupirs sa prière portée,
Du tout-puissant amour ne fut point rejetée.
Sur le mur opposé, la lampe, en ce moment,
Marquait du beau garçon le visage charmant ;
L’éblouissant rayon de sa vive lumière,
Serrant de toutes parts l’ombre épaisse et grossière
Dans le juste contour d’un trait clair et subtil,
En avait nettement dessiné le profil.
Surprise, elle aperçoit l’image figurée,
Et, se sentant alors par l’amour inspirée,
D’un pinceau, par hasard, sous ses doigts rencontré,
Sa main, qui suit le trait par la lampe montré,
Arrête sur le mur, promptement et sans peine,
Du visage chéri la figure incertaine ;
L’Amour ingénieux, qui forma ce dessin,
Fut vu, dans ce moment, lui conduisant la main.


Sur la face du mur marqué de cette trace,
Chacun du beau berger connut l’air et la grâce,
Et l’effet merveilleux de cet évènement
Fut d’un art si divin l’heureux commencement.
Par la nymphe aux cent voix la charmante Peinture,
Instruite du succès d’une telle aventure,
Vint apprendre aux mortels mille secrets nouveaux,