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Redoutable ornement des terres étrangères,
Les riches vases d’or et les meubles exquis,
Marqueront les climats des royaumes conquis.


Voilà les grands travaux que le ciel te prépare,
Qui seront de nos jours l’ornement le plus rare,
Et des siècles futurs le trésor précieux ;
Puisqu’on sait que le temps, peintre judicieux,
Qui des maitres communs les tableaux décolore,
Rendra les tiens plus beaux et plus charmants encore,
Lorsque de son pinceau secondant ton dessin,
Il aura, sur leurs traits, mis la dernière main.
Ce fut ce qu’autrefois un sage et savant maitre
Aux peintres de son temps sut bien faire connaitre.
Il sut, par son adresse, en convaincre leurs yeux,
Et leur en fît ainsi l’emblème ingénieux.
Il peignit un vieillard dont la barbe chenue
Tombait à flots épais sur sa poitrine nue ;
D’un sable diligent son front était chargé,
Et d’ailes de vautour tout son dos ombragé ;
Près de lui se voyait une faux argentée,
Qui faisait peur à voir, mais qu’il avait quittée
Pour prendre, ainsi qu’un maitre ébauchant un tableau,
D’une main une éponge, et de l’autre un pinceau.
Les chefs-d’œuvre fameux, dont la Grèce se vante,
Les tableaux de Zeuxis, d’Apelle, et de Timante,
D’autres maitres encor des siècles plus âgés,
Étaient, avec honneur, à sa droite rangés ;
À sa gauche gisaient, honteux et méprisables,
Des peintres ignorants les tableaux innombrables,
Ouvrages sans esprit, sans vie et sans appas,
Et qui blessaient la vue, ou ne la touchaient pas.