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La céleste Junon, sur le front des nuages,
Peignit, d’or et d’azur, cent diverses images ;
Et la mère Cybèle, en mille autres façons,
Colora ses guérets, ses prés et ses moissons.
Mais le plaisir fut grand de voir Flore et Pomone,
Sur les riches présents que la terre leur donne,
À l’envi s’exercer, en couchant leurs couleurs,
À qui l’emporterait, ou des fruits ou des fleurs.
Les nymphes toutefois des tranquilles fontaines
Et des mornes étangs qui dorment dans les plaines,
Ravirent, plus que tous, les yeux et les esprits,
Et sur les autres dieux remportèrent le prix.
Ce fut peu d’employer les couleurs les plus vives
À peindre, en cent façons, le penchant de leurs rives.
D’une adresse incroyable, on les vit imiter
Tout ce qu’à leurs regards on voulut présenter.
Des plaines d’alentour, et des prochains bocages,
Sur l’heure elles formaient cent divers paysages,
Et le plus vite oiseau, sitôt qu’il paraissait,
Était peint sur leur onde au moment qu’il passait.


Au pied de l’Hélicon, d’un art inimitable,
La nymphe avait construit sa demeure agréable ;
Là souvent, Apollon, qui, plus voisin des cieux,
Habite de ce mont les sommets glorieux,
Venait avec plaisir voir les nobles pensées
Qu’avait sa docte main sur la toile tracées,
Et lui communiquait ses savantes clartés,
Sur les dessins divers qu’elle avait médités.
Un jour qu’il vint trouver cette nymphe charmante,
Dans son riche palais, où d’une main savante,
Sur les larges parois, et dans les hauts lambris,