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Pour des femmes d’honneur, dans ces lieux hasardeux,
De cent que l’on connait, on n’en verra pas deux.

Rejette donc, mon fils, cette fausse maxime :
Qu’on trouve rarement une femme sans crime ;
C’est seulement ainsi que parle un suborneur,
Qui, de femmes sans foi, sans honte et sans honneur,
Fait près de son Iris, une liste bien ample,
Pour la faire tomber par le mauvais exemple.

Au lieu d’être toujours dans des lieux de plaisir,
À repaître tes yeux, à charmer ton loisir,
À regarder sans cesse aux cours, aux Tuileries,
Du fard et du brocard chargé de pierreries,
Va dans les hôpitaux, où l’on voit de longs rangs
De malades plaintifs, de morts et de mourants.
Là, tu rencontreras en tout temps, à toute heure,
Malgré l’air infecté de leur triste demeure,
Mille femmes d’honneur, dont souvent la beauté,
Que cache et qu’amortit leur humble piété,
A de plus doux appas, pour des âmes bien faites,
Que tout le vain éclat des plus vives coquettes.
Descends dans des caveaux, monte dans des greniers,
Où des pauvres obscurs fourmillent à milliers,
Tu n’y verras pas moins de dames vertueuses
Fréquenter, sans dégoût, ces retraites affreuses,
Et par leur zèle ardent, leurs aumônes, leurs soins,
Soulager tous leurs maux, remplir tous leurs besoins.
Entre dans les réduits des honnêtes familles,
Et vois y travailler les mères et les filles,
Ne songeant qu’à leur tâche et qu’à bien recevoir
Leur père ou leur époux quand il revient le soir.