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252 FABLES


Il le portait vendre au marché.

Un cavalier, suivant la même voie,

Considéra le lièvre, et comme étant touché

D’une si belle et bonne proie,

Le prit, le soupesa, puis demandant combien ,

Piqua des deux. Le rustre jugeant bien

Qu’il n’en devait plus rien attendre,

Cria : Je vous le donne, et donne de bon cœur ;

Souvenez-vous de votre serviteur.

Souvent on donne ainsi ce qu’on ne saurait vendre.


LES ÂNES ET JUPITER.


Les paresseux baudets, gent sournoise et maussade,

Un jour , vers Jupiter, vinrent en ambassade ,

Le prier qu’ils fussent exempts

De porter désormais des fardeaux si pesans.

Le souverain des dieux , voulant leur faire entendre

Qu’ils ne s’y devaient pas attendre ,

Leur dit, en se moquant, qu’ils auraient du repos

Lorsqu’ils pisseraient tant et de belle manière ,

Qu’ils formeraient une rivière.

Les baudets furent assez sots

Pour croire sérieux ce folâtre propos.

Et de là vient que toute béte asine ,

Qui toujours du travail cherche à se dispenser ,

Dès que de son semblable elle aperçoit l’urine

Se met aussitôt à pisser.