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Dont le doigt gros et ramassé,
Dans la bague du prince eût aussi peu passé
Qu’un cable au travers d’une aiguille.

On crut enfin que c’était fait ;
Car il ne restait, en effet,
Que la pauvre Peau-d’Âne au fond de la cuisine.
Mais, comment croire, disait-on,
Qu’à régner le ciel la destine ?
Le prince dit : Et pourquoi non ?
Qu’on la fasse venir. Chacun se prit à rire,
Criant tout haut : Que veut-on dire,
De faire entrer ici cette sale guenon ?
Mais, lorsqu’elle tira de dessous sa peau noire
Une petite main qui semblait de l’ivoire
Qu’un peu de pourpre a coloré,
Et que de la bague fatale,
D’une justesse sans égale,
Son petit doigt fut entouré,
La cour fut dans une surprise
Qui ne peut pas être comprise.
On la menait au roi dans ce transport subit,
Mais elle demanda qu’avant que de paraître
Devant son seigneur et son maître,
On lui donnât le tems de prendre un autre habit.
De cet habit, pour la vérité dire,
De tous côtés on s’apprêtait à rire ;
Mais lorsqu’elle arriva dans les appartemens,
Et qu’elle eut traversé les salles
Avec ces pompeux vêtemens,
Dont les riches beautés n’eurent jamais d’égales ;
Que ses aimables cheveux blonds,