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Qu’il ne s’en fallut rien que d’une faim gloutonne
Il n’avalât aussi l’anneau.
Quand il en vit l’émeraude admirable,
Qu’il vit du jonc le cercle étroit,
Qui marquait la forme du doigt,
Son cœur en fut touché d’une joie incroyable :
Sous son chevet il le mit à l’instant ;
Et son mal toujours augmentant,
Les médecins, sages d’expérience,
En le voyant maigrir de jour en jour,
Jugèrent tous, par leur grande science,
Qu’il était malade d’amour.

Comme l’hymen, quelque mal qu’on en die,
Est un remède exquis pour cette maladie,
On conclut à le marier.
Il s’en fit quelque tems prier ;
Puis dit : Je le veux bien, pourvu que l’on me donne
En mariage la personne
Pour qui cet anneau sera bon.
À cette bizarre demande,
De la reine et du roi la surprise fut grande ;
Mais il était si mal qu’on n’osa dire non.
Voilà donc qu’on se met en quête
De celle que l’anneau, sans nul égard du sang,
Doit placer dans un si haut rang.
Il n’en est point qui ne s’apprête
À venir présenter son doigt,
Ni qui veuille céder son droit.

Le bruit ayant couru que, pour prétendre au prince,
Il faut avoir le doigt bien mince,
Tout charlatan, pour être bien venu,